lundi 6 août 2012

Badun - s​.​o​.​t​.​s


Date de sortie : 31 juillet 2012 | Label : Schematic

N'en déplaise aux blasés adeptes des écuries bien installées dont la ligne éditoriale trop marquée finit forcément par se mordre la queue tôt ou tard, l'IDM ne se porte pas plus mal cette année que les dix précédentes. Mais à condition bien sûr d'aller fureter du côté de ces structures à échelle humaine dont la passion demeure le moteur premier, quels que soient leurs contingences budgétaires, leurs partis-pris esthétiques et les formats qui en découlent. Ainsi, comme pour Xtraplex ou Bedroom Research, on aura sans doute maintes occasions de vous reparler de Schematic, label des géniaux Phoenecia actif depuis plus de 15 ans tout de même mais particulièrement prolifique en ce cru 2012 avec pas moins d'une sortie par mois jusqu'ici (et non des moindres, comme en témoigne par ailleurs ce saisissant ovni). Quant à savoir si aucune de ces occasions sera aussi pertinente que la parution de ce troisième opus de Badun, c'est une autre paire de manches.

Car depuis leur éponyme de 2007 édité à l'époque par Permanent & Rump et désormais en libre écoute sur la page Bandcamp du duo, les Danois Oliver Duckert et Aske Krammer n'ont eu de cesse à l'instar de leurs nouveaux patrons de label de creuser le sillon d'une IDM libérée de toute contrainte structurelle, phagocytant jazz, acid house et plus récemment ambient cinématique pour nourrir leurs abstractions mouvantes faites de nappes fugaces, de gitchs organiques et de beats instables au groove feutré, un temps lumineuses voire rêveuses sur le bien-nommé - et largement improvisé - Last Night Sleep mais désormais nettement plus angoissantes.

Disponible en vinyle et digital depuis fin juillet, s​.​o​.​t​.​s ne déroge pas à la règle, mais si des comparaisons avec les travaux les plus radicaux d'Autechre ou encore le cultissime Brownout des sus-nommés Phoenecia viennent immédiatement à l'esprit, les basses rondes, vocalises éthérées et autres discrets arrangements acoustiques de l'éponyme ayant définitivement disparu au profit d'un foisonnement analogique aux pulsations de plus en plus déliquescentes, tenter de réduire la démarche singulière de Badun à une somme d'influences aussi séminales fussent-elles relèverait de l'outrage pur et simple.

Le duo n'a en effet rien à envier à ses pairs et pères en terme d'abîmes créatifs, et d'autant moins depuis que la légèreté jazzy des débuts a laissé place à une inspiration autrement froide et malaisante. Si les grouillements cosmiques de Kætø et leurs averses de pulsations à air comprimé pourraient donner l'illusion en ouverture d'album de céder à l'appel de l'Espace et de ses mystères sidéraux, synonymes de romantisme pour les nerds du monde entier, New Holme Ejj90 remet vite les pendules à l'heure en plombant tout espoir au gré de ses 8 minutes de drill'n'bass hantée. La fascination exercée par ce s​.​o​.​t​.​s sera certes bien celle de l'Inconnu, mais en mode accident sanglant sur un bord d'autoroute ou fourmillement d'insectes coprophages sur un cadavre de chevreuil en décomposition.

C'est en tout cas le genre de visions qu'induit Fradig James avec son inquiétante prolifération downtempo de beats vénéneux et de field recordings malmenés qui se font plus déstructurés encore sur Six Months Later In A Bash, à peu près le temps qu'ont dû passer les vers à putréfier l'animal en question. S'ensuit un intermède glacial ambient, rampe d'accès abrasive autant que cristalline vers une seconde partie d'album aux évocations plus insidieuses qui s'ouvre sur le glitch acide et anxiogène d'I Can Not Remember My Funk School, épopée rétro-futuriste crachant ses clicks & cuts tachycardiques faits de bric et de broc comme autant de postillons cybernétiques.

Déroulant enfin au gré des breakbeats cotonneux et des programmations fugitives de Glry Studio, l'album n'a toutefois pas encore dévoilé son plus troublant joyau : Rebef Boj et ses 7 minutes de battements fiévreux et d'arpèges désincarnés, acide encore, déstructuré toujours mais surtout plus spectral que jamais. Insaisissable, à l'image de la forme primitive qui orne la pochette, et de l'énigmatique acronyme qui sert d'intitulé à ce disque aussi ténébreux qu'insondable, chef-d'œuvre transcendant et captivant d'un bout à l'autre que les amateurs éclairés dont vous faites assurément partie ne voudront manquer sous aucun prétexte.

Rabbit

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