vendredi 19 octobre 2012

Hidden Orchestra - Archipelago


Sortie : 1 octobre 2012 | Label : Tru Thoughts Records / Denovali Records

Voilà deux ans que Hidden Orchestra a émergé, sortant Night Walks, un album qui leur a apporté un succès critique certain, en Ecosse et ailleurs. Le quartet d'Edimbourg, mené par sa tête pensante Joe Acheson, poursuit ses libres manipulations de jazz électronique, dense et entêtant. Comme son prédécesseur, Archipelago sort chez les Anglais de Tru Thoughts ainsi qu'en version double vinyle sur l'éminent Denovali.

Archipelago est de ces disques d'une redoutable évidence, qui promptement absorbent mais dont les fils se remontent avec patience. Composée d'Acheson à la basse et au laptop, de deux batteurs, Jamie Graham et Tim Lane, et de la violoniste et keyboardist Poppy Ackroyd, la formation s'accompagne sur cet album d'un violoncelle, d'une trompette, d'une harpe et d'une clarinette. La musique de Hidden Orchestra sonne comme la cohésion bruissante d'innombrables flux instrumentaux. Mélange insaisissable de jazz, de pulsations hip-hop et d'électronica crépusculaire, Archipelago se fait la bande-son de périples exaltés et arides, peignant la fougue de tableaux vifs et impénétrables.

Toujours réflexif, tantôt en retrait, tantôt sauvage et distillant des instants de breakbeat bien concret, le jeu des batteries est pour beaucoup dans la façon dont ces 10 courtes histoires s'inscrivent au coeur du crâne, soulevant des sarabandes internes et des vagues d'émotions. Alors que les titres ont la bonne idée de se déployer au delà de cinq minutes, le quartet s'amuse à décliner les points d'orgue, faisant lentement refluer la puissance pour la laisser, la seconde d'après, vous exploser entre les deux yeux, non sans éclats de percussions, de poussière et de cuivres. Ainsi Overture, sous un climat de demi-jour, de flou et de frimas, érige des cathédrales de rythmes et de volutes mélodiques. Les cordes enivrent, les textures crépitent et la batterie fait de la voltige. On atteint des sommets dès le premier morceau, sauf que la suite est faite du même et splendide bois. Sur l'ouverture de Flight, on s'empêchera difficilement de penser au Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.

Si les teintes demeurent opaques et décolorées, la délicatesse des arrangements fait entrer des pans de lumière entiers. Les qualités de mélodiste de Joe Acheson sont immenses. Le violon, le violoncelle, les cordes pincées et les détails de cristal que l'homme conçoit de manière électronique accordent à la musique de Hidden Orchestra une dimension introspective et profondément romantique. La suavité se heurte au désemparement, celui qui tenaille lorsqu'on supporte le poids des choses trop belles. D'infinies arabesques continuent de se répandre, les tonalités cinématiques gagnent en consistance, subtilement appuyées par la trompette de Phil Cardwell. Les field recordings aux goûts d'embruns et de cris de mouettes – enregistrés sur un bateau au large de l'île écossaise de North Rona – rappellent que la trame de l'album prend sa source dans les paysages irréels, dans la solitude face à la mer, dans la nature saline qui borde la région.

Intégralement instrumental et absolument réussi, Archipelago fonde un peu plus le brio du quartet. Il y a une semaine, le groupe se produisait au Petit Bain à Paris, à l'occasion de leur release party. Autant dire que la soirée fut belle.

Manolito

1 commentaire:

  1. Waho !

    Je ne sais ce que je trouve de plus beau entre Archipelago, et l'article de ce blog sur Archipelago...

    Allez, j'en rajoute une couche sur cet album - qui dès la 3ème écoute est entré dans mon panthéon musical personnel. Je vais essayer d'être bref, mes mots ne peuvent que salir ce bijou.

    Je dirais que qu'en écoutant cet album, je sais pourquoi la musique existe. Il est de ces merveilles qui nous rassurent sur le monde, qui nous font nous sentir bien. Sentir que, même si un jour tout va mal dans ce monde, il y aura toujours quelque part un archipel où aller se réfugier.

    Longue vie au Hidden Orchestra. Je vénère votre musique. Elle me rend encore plus heureux.

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