mardi 18 décembre 2012

Interview from the heart of darkness : 9/ adamned.age


Fait surprenant, notre compilation à venir ne compte en moyenne qu'une seule musicienne sur chacune des parties qui la compose. Certaines d'entre elles se contentent d'une apparition discrète, une autre s'apprête à vous faire saigner les tympans comme avait pu le faire l'un de ses tout derniers albums chroniqué dans nos pages, et puis il y a Hanne Adam, Hambourgeoise exilée à Berlin dont l'électronica résolument organique et ouverte aux quatre vents se décline en solo depuis 2008 sur une dizaine d'albums et d'EPs, parus entre autres sur les netlabels Clinical Archives, Enough Records, Halbsicht (le temps de l'anxieux et néanmoins rêveur Thousand Yard Stare) ou encore PublicSpaces Lab (avec le très dub After The Rain aux rythmiques libérées) mais surtout chez Camomille Music - écurie montréalaise dont VNDL nous parlait encore récemment - pour l'aquatique et cristallin Eiskind et surtout le fabuleux Fragile tout en arrangements éthérés et en pulsations claires-obscures. Avant, il y avait eu une jeunesse partagée entre formation classique au piano et premières armes aux fûts d'une poignée de groupes punk du cru, puis une douzaine d'années de recherche discrète dans la musique assistée par ordinateur, avec notamment une paire de sorties au sein d'EXurban en compagnie de sa compatriote Tanja Dovens aka Die Minimalistin. Car adamned.age, en musique comme dans les nombreux autres médias dont elle explore inlassablement les correspondances, aime à tracer son petit bout de chemin loin de la lumière des projecteurs, préférant malgré quelques incursions minimal techno l'intimité de son homestudio à la frénésie des clubs de la capitale allemande à l'image de son univers sensible et impressionniste, pétri de maux enfouis et de mélancolie.



L'interview

Des Cendres à la Cave : Que trouve-t-on dans ta cave - ou dans l'endroit où ta musique prend corps ?

Hanne Adam : Vous trouverez en fait toutes mes affaires dans mon salon parce que je n'ai pas de sous-sol sec !
Je suppose que vous pourriez vous interroger quelque peu sur mon "homestudio" parce qu'il n'y a pas tant de choses à y repérer au premier coup d'oeil... Je travaille avec un laptop et un ordinateur, j'ai certains instruments comme une guitare, des claviers, un micro, etc. mais dans l'ensemble ça n'a vraiment pas l'air d'un studio d'enregistrement. Le principal réside à l'intérieur de mes ordinateurs, car je travaille avec un grand nombre de logiciels... de nombreux plugins, de nombreux effets et juste beaucoup d'expérimentation, voilà les principales bases de mon travail. J'aime toujours autant travailler avec Reaktor, Kontakt Player ainsi qu'un certain nombre de "librairies d'instruments réels et artificiels", avec des samplers, des boîtes à rythmes etc. (je ferais mieux de ne pas tous les citer là tout de suite).

DCALC : Tu es basée à Berlin (cf. la photo d'Alexanderplatz prise par Hanne ci-dessous), carrefour incontournable pour les musiciens électroniques de tous bords. Que retires-tu de ce foisonnement créatif ?

Hanne : Je dirais que c'est plus la ville et la vie elle-même qui m'inspirent énormément ! J'aime vivre ici et il s'agit bien d'un carrefour pour toutes sortes de musique, et plus particulièrement pour la scène électronique, mais je suis quelqu'un d'assez isolé et je n'ai pas encore présenté ma musique (électronique) en live, c'est d'ailleurs l'une des choses que j'aimerais vraiment changer dans le futur !

DCALC : On croise malheureusement peu de femmes dans le milieu de l'électro, y a-t-il des musiciennes avec lesquelles tu partages des affinités ou que admires, et trouves-tu chez elles une sensibilité plus particulièrement féminine ?

Hanne : Oui, il n'y en a malheureusement pas autant que de musiciens hommes MAIS, je dois dire que je connais certaines femmes vraiment très talentueuses en musique électronique. Sur ce point, je voudrais faire référence à un réseau de femmes artistes électroniques dont je fais également partie, vous le trouverez à cette adresse : http://www.electronic-ladiez.net.

A ta seconde question sur la sensibilité, je répondrais que les femmes sont un peu différentes dans leur façon de travailler avec du contenu électronique... mais peut-être que ce n'est pas vraiment fixé et qu'il s'agit plutôt d'une tendance... ou peut-être simplement mon sentiment personnel, car il m'arrive de me sentir en opposition avec certains producteurs masculins. Ils mettent souvent l'accent sur des choses comme l'équipement technique, etc. Pour moi, la quantité de matériel que j'ai dans mon studio n'est pas si importante, à la fin seul compte le résultat avec mon intention de transporter et d'exprimer quelque chose, peu importe ce que j'utilise pour y parvenir.


DCALC : Électronica, IDM, dub, techno minimale, ambient, trip-hop, acoustique... ta musique emprunte à de nombreux courants, l'un ou l'autre s'imposant parfois selon les sorties. Quel est ton background musical en tant qu'auditrice ?

Hanne : Je ne suis pas, comme tu as pu le deviner, à l'écoute d'un seul genre de musique. Dans l'ensemble, ça dépend de mon humeur mais j'écoute surtout de la musique électronique, ambient, IDM et de la musique électroacoustique ainsi que de la musique classique, pour vraiment me calmer. J'aime la musique dans laquelle je peux me perdre... comme la musique agencée en couches profondes qui me fait voyager ou simplement m'inspire. D'autre part en tant que batteur j'aime les rythmes, le groove et je préfère les choses à base de beats. Donc, comme tu vois, des écoutes variées à l'image de mes productions...

DCALC : Tu es également photographe, peintre, designer, poète, réalisatrice de films expérimentaux... tes travaux par l'intermédiaire de ces différents médias s'influencent-ils entre eux ?

Hanne : A cette question j'ai une réponse claire : OUI c'est le cas !
La raison de pratiquer toutes ces différentes activités artistiques est de transporter une partie de moi-même à travers diverses compétences et divers médias... Je ne pourrais pas imaginer l'absence de l'une d'elle ! Tu as besoin de chaque pièce pour compléter un puzzle et c'est l'impression que ça me donne...
Tous ensemble, à parts à peu près égales, ces arts deviennent un sujet important de mon expression artistique, il est donc inévitable qu'ils s'influencent mutuellement !
DCALC : Justement, si tu devais associer ton morceau pour notre compilation à une image, quelle serait-elle ?

Hanne : Je ne pouvais pas mentionner une seule image, car cela change constamment devant mes yeux ... Je vois de nombreuses images, comme un flot... la plupart du temps il s'agit d'un état évolutif, je vois toujours quelque chose en progression, parfois très lente et parfois très rapide.

DCALC : Tu as distribué l'une de tes sorties sous forme de clé usb, es-tu satisfaite de cette expérience ? Y a-t-il d'autres idées atypiques que tu souhaiterais mettre en œuvre pour transmettre ta musique ?

Hanne : Oui, c'était une bonne expérience pour moi et cette petite édition limitée s'est écoulée rapidement ! Je suis toujours intéressée par des choses atypiques, en particulier en terme de médias physiques. J'ai pas mal d'idées à l'esprit et souhaiterais les réaliser dès que j'aurai un peu d'argent d'avance. Je ferai en sorte que ce travail garde une dimension manuelle pour lui conserver un caractère unique et fabriqué main, c'est là que va ma préférence !

DCALC : Ta veillée de fin du monde, tu comptes la passer comment ?

Hanne : Comme n'importe quel autre jour ou moment je pense... Je ne sais pas, mais ça n'a pas d'importance à mes yeux et je n'ai pas peur de la fin... peut-être que j'ai appris à vivre chaque jour comme si ça allait être mon dernier... cela ne veut pas dire que je n'aime pas la vie, loin de là ! J'essaie simplement de vivre chaque jour d'une manière très intense ...

DCALC : Et si on en réchappe, quels sont tes plans pour 2013 ?

Hanne : D'abord, je crois que nous allons tous survivre parce que je suis quelqu'un de très positif... même si certains d'entre vous pourriez ne pas y croire...
J'ai des projets vraiment importants pour 2013 et je suis très occupée à la construction d'une petite entreprise, donc l'année prochaine sera la mienne, c'est sûr ! Et bien entendu, je continue de me battre pour ma santé... ça sonne mieux que de se battre contre quelque chose, n'est-ce pas ?...



Le cadeau d'adamned.age

En attendant de pouvoir découvrir le scintillant et non moins troublant Key To Secret Doors dont le spleen glitchy et foisonnant sera l'une des rares bouffées d'oxygène de notre compilation, Hanne Adam nous offre un inédit mêlant musique et poésie en allemand dans une veine nettement plus viciée et désespérée. Ça s'appelle Lebensversuche et on vous a même mis le texte, écrit il y a une douzaine d'années... avis aux germanophones, on espère toujours une bonne traduction :


Ich bin so verzweifelt wach,
alles erneute lebensversuche,
die sich im nichts verirren
so sehe ich mich in anderen
zusammenhängen
und höre so nun schon lange
mein lautes schweigen
dann will ich aufstehen,
mich befreien,
doch bin ich knochenlos
und muskelleer
nichts übrig, was mich trägt,
mich selbst,
nichts mehr.
Die wahrheit ist in den
asphalt gebrannt,
alles lebensversuche
die sich verirrt haben,
sehe ich uns alle
in anderen zusammenhängen
ich bin so wach,
so verzweifelt.



Quelques liens

- le site officiel d'adamned.age
- adamned.age sur Facebook / Soundcloud / Bandcamp 



Version originale

Des Cendres à la Cave : What can one find in your basement - or wherever your music takes shape ?

Hanne Adam : You will actually find all my stuff in my livingroom because I didn't have a dry basement !
I guess you may wonder a bit about my "homestudio" because I really got not that much you can see on first glance... I am working with a laptop and a computer, got some instruments like guitar, keys, mic, etc. but all in all it really didn't look like a recording studio. The main stuff is inside my computers because I work with a lot of software... many plugins, many effects and just a lot of experiments are the main basics for my work. I still love to work with Reaktor, Kontakt Player plus a lot of "real and artificial instrument libs", with sampler tools, drum machines a.s.o. (I'll better do not list them all now).

DCALC : You're based in Berlin, an important crossroads for electronic musicians of all kind. What does that creative profusion bring to you ?

Hanne : I would say it is more the city and life itself which inspires me so much ! I love living here and it is of course a crossroad for all kind of music, and especially for the electronic scene, but I am a quite secluded person and I didn't presented my (electronic) music live yet, but this is one of the things I'd really like to change in the future !

DCALC : Unfortunately we meet only a few women in electronic music, are there some female electronic musicians with whom you share affinities or which you admire the work ? Do you recognize in their work a degree of feminine sensitivity ?

Hanne : Yes, unfortunately there are not as many as male musicians BUT, I must say, I know some really really good women in electronic music. On this point I would like to refer to a Network of female electronic artists I am also listed in, you'll find it under : http://www.electronic-ladiez.net.

To your second question about the sensitivity, I would say women are a little different in the way they work with electronic content... but maybe this is not very hand-tight and more a tendency... maybe just my own feeling cause I sometimes feel myself so contrarious to some male producers. They often put other emphasis on things like technical equipment a.s.o. To me this is not so important how many hardware stuff I have in my studio, in the end there is the result with my intention of transporting and expressing something, no matter what I am using to achieve that.


DCALC : Electronica, IDM, dub, minimal techno, ambient, trip-hop, acoustics... your music is soaked in many different streams, one or the other sometimes getting the upper hand. What is your musical background as a listener ?

Hanne : I am, as you could guess, also not a listener of just one music genre. All in all it depends on my mood but I mostly listen to electronica, ambient, IDM and electroacoustic music as well as classical music, to really calm down. I love music I can get lost in... like deep layered music that takes me on a trip or just inspires me. On the other hand as a drummer I love rhythms and grooves and prefer the beaty stuff. So, as you see, a varied listening comparable to my productions...

DCALC : You are also a photographer, painter, designer, poet, experimental filmmaker... Does your work through these different media influence each other ?

Hanne : To this question I got a clear answer : YES it does !
The reason for doing all the different arts is to transport a part of myself through various artistic skills and media... I could not imagine the absence of one of them ! You need every piece to complement a puzzle and this is what it feels like...
All together, in nearly equal parts, becomes an important subject of my artistic expression, so it unavoidable DO influence each other !

DCALC : If you had to associate your track to an image, what would it be ?

Hanne : I couldn't name just one image because it is always changing before my eyes... I see many images like in a stream... mostly it is a non constant state, I always see something moving forward, sometimes very slow and sometimes quite fast.

DCALC : You distributed one of your releases as a usb flash drive, are you satisfied with this experience ? Are there any other atypical idea that you would like to try as a new way to share your music ?

Hanne : Yes, it was a good experience to me and this small limited edition was out of stock fast ! I am always interested in atypical stuff, especially physical media. I have a lot in my mind and would like to realize it when I got some cash in advance. I will keep the most work in my hands so it keeps the more unique and handcrafted character, I do prefer !

DCALC : How are you going to spend your end of the world eve ?

Hanne : I think like any other day and moment... I don't know but it doesn't matter to me and I am not afraid of the end... maybe I learnt to live every day as if it will be my last... it does not mean I do not like living, far from it ! I just try to live every day in a very intensive way...

DCALC : And if one survives, what are your plans for 2013 ?

Hanne : First I believe we all will survive because I am a very positive thinking person... even if some of you might not believe...
I got really big plans for 2013 and am very busy on building up a small business, so the next year will be mine for sure ! And of course I am still fighting for my health... sounds better than fighting against something, doesn't it ?...



Propos recueillis par Rabbit

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