samedi 17 août 2013

Gunslingers - Massacre-Rock Deviant Inquisitors



Date de sortie : 29 juillet 2013 | Labels : Riot Season / Les Disques Blasphématoires du Palatin

D'accord, celui-ci dépasse à peine le quart d'heure et ne comprend que deux pauvres morceaux, Massacre-Rock Deviant Inquisitors Part 1 puis Part 2. Le tout tient sur une face de vinyle blanc engoncée dans une pochette qui privilégie le noir et les nuances de gris. Mais une fois posé sur la platine, ce petit bout de plastique provoque une addiction irrévocable, instantanée. Une basse arachnéenne qui ne cesse de muter, une batterie toute en finesse et cymbales incisives, voilà pour la rythmique tout aussi marteau-piqueur que malléable et inventive. Ensuite la guitare, modelée à grands coups de fuzz et de wah-wah, tronçonnant des riffs déviants et définitifs au kilomètre. Ces trois-là associés dessinent les contours d'un proto-rock barbelé mêlant freakbeat, frat-rock, punk et psychédélisme, lançant ses notes et ses idées dans un mouvement qui hésite en permanence entre abréaction et aliénation. Extrêmement denses, il est bien difficile de décrire ce par quoi les deux Part font passer. C'est qu'en plus, la voix qui surplombe le raffut sus-mentionné évoque un ersatz de Donald Duck passé au napalm. Un timbre qui rappelle de loin celui de Jello Biafra, en plus grave et dégénéré, sans cesse partagé entre yodel et chewing-gum. Au même titre que les instruments qui la portent, elle aussi fait fortement douter de la santé mentale des protagonistes. De qui s'agit-il d'ailleurs ? Ils sont trois et portent le nom de Gunslingers. Antoine Hadjioannou aux prophetic beats, Matthieu Canaguier à la thunderbass, soit les deux tiers d'Aluk Todolo. Puis GR (Gregory Raimo) à la guitar distillation et aux arguments, soit le big boss des Disques Blasphématoires du Palatin ayant sorti sous son nom propre quelques disques vénérant le quatre pistes analogique et amalgamant blues, garage, psychédélisme et un petit peu tout ce que ses amours musicaux, bien larges, lui suggèrent. Empruntant à Aluk Todolo son sens du tarabiscoté efficace et à GR son amour des '60s et du garage, Gunslingers sonne exactement comme ce que promet leur rencontre.

Difficile de différencier la Part 1 de la Part 2, en revanche il s'agit effectivement de Massacre-Rock qui donne plus d'une fois l'impression que les Trashmen improvisent avec les Dead Kennedys, qu'Acid Mothers Temple force sur le bourbon, qu'Hyckoids délaisse sa verte campagne et ses champs de blé et de maïs pour quelque chose de plus urbain. Ce qui accroche, c'est d'abord le côté sans queue ni tête de ces deux morceaux, leur sens du foutraque bien évidemment très structuré. Si l'on se prend à écouter chaque instrument en faisant abstraction des deux autres, on voit bien à quel point tout cela est très carré. Deviant peut-être mais Inquisitors avant tout. Les lignes de basse donnent le tournis - littéralement - et tapissent le moindre recoin des compositions. La batterie, extrêmement féline, griffe le tempo, provoquant force estafilades et écorchures dans le tissu caoutchouteux que finissent de déliter les attaques régulières de cette guitare singulière, tout à la fois bavarde et ténue. Ici, pas de soli à vingt-cinq doigts mais plutôt un éventail de fulgurances radicales et contondantes qui hypnotisent carrément. Et puis, cette voix toujours, dont on ne sait trop ce qu'elle raconte mais qui persuade. Elle pourrait réciter le bottin qu'on la suivrait tout de même. Tout cela concoure à l'édification d'une belle tranche de rock saignante et sans la moindre once de gras. Tout en nerf et déviances, Massacre-Rock Deviant Inquisitors frappe aussi par sa densité et la cohésion qui l'anime : quoi qu'il fasse, le triangle reste soudé, bien campé sur ses sommets et ses angles. Où qu'ils aillent, ils y vont ensemble. Pas un instrument en avant au détriment des deux autres et tous au service d'une musique sauvage et plombée qui ne cache pas son héritage mais marche à côté, récitant les Tables de la Loi du binaire, se les appropriant pour mieux les décliner à sa manière. Il faut dire aussi qu'il s'agit de leur troisième effort (un No More Invention pourtant bien inventif  en 2008 et Manifesto Zero deux ans plus tard), ce qui explique sans doute l'extrême malléabilité de l'ensemble. Les changements de rythmes, les bifurcations et les travers ont beau être nombreux, fluidité et dynamique restent préservées et si la moindre seconde ne laisse augurer celle qui la suit, Gunslingers, par le biais d'une boussole intrinsèque, sait en permanence où il va.

Alors bien sûr, ces deux titres frisent le trop-plein et débordent de partout. En revanche, ils restent en permanence bien arrimés à l'axe principal, fût-il parfaitement sinueux. De quoi désorienter l'auditeur, de quoi l'accrocher aussi complètement. C'est bien ce qui fait de ce disque un indispensable. Un tout petit peu plus d'un quart d'heure peut-être mais avec une telle intensité que l'on ne peut que s'incliner.

Rock'n'roll pas mort !




leoluce

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